Le steak in vitro, développé depuis quelques années par une équipe néerlandaise dirigée par le professeur Mark Post, pourrait être commercialisé d’ici la fin de la décennie.
Il y a quelques jours se tenait à Maastricht “Cultured Beef” un colloque un peu particulier, réunissant tous les chercheurs en viande artificielle. À mi-chemin entre l’amicale des savants fous et l’association des bienfaiteurs de l’humanité, cette réunion de scientifiques avait pour but de démocratiser le principe de viande de culture, donc créée artificiellement. La méthode consiste à prélever des cellules-souches dans le muscle de bœufs puis de les multiplier. Par enchantement (ou reproduction cellulaire), trois semaines suffisent à créer suffisamment de fibres pour « créer » un steak. Ces nouveaux aliments pourraient débarquer dans nos assiettes avant 2020.
La raison de ces recherches se veut environnementale. Si la consommation de viande stagne en Europe, elle explose dans les pays émergents, principalement en Inde et en Chine. La production mondiale pourrait atteindre 450 millions de tonnes par an en 2050 (contre « seulement » 309 millions aujourd’hui). Si les conditions d’élevages sont discutées, c’est surtout de l’impact environnemental dont il faut s’effrayer. 18% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont dues à la production de viande, principalement des bovins. Le GIEC a d’ailleurs encouragé fortement de diminuer la consommation de viande pour lutter contre le réchauffement climatique.
Partant de ces constats alarmants, les scientifiques comme Mark Post voient les steaks artificiels comme l’alimentation du futur. Selon lui, la viande de laboratoire est même vouée à remplacer totalement l’élevage. Des études ont déjà comparé la viande de culture avec les productions de viande de bœuf, porc et volaille. Selon ces calculs, cette viande du futur réclame 60% de moins d’énergie, réduit presque à néant les émissions de gaz à effet de serre et nécessite très peu d’eau et de terre.
En réalité l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) a estimé que la culture de viande de laboratoire ne représente « pas d’avantages majeurs par comparaison à la viande naturelle » et a estimé qu’il fallait plutôt essayer de « diversifier les sources de protéines végétales et animales, ou encore développer des systèmes d’élevage plus respectueux des animaux et de l’environnement ».
Un argument pour les végétariens ?
Étrangement, ces steaks in vitro hérissent plus le poil des viandards que des végétariens. Lors de la toute première dégustation à Londres en 2013, les quelques aventuriers (ou privilégiés, selon le point de vue) ont globalement déploré le manque de gras, car cette viande ne contient presque que des fibres. Ce steak cultivé avait certes été agrémenté de chapelure, de sel, d’œuf et de betterave pour s’approcher de la consistance, texture et couleur d’un hamburger traditionnel, mais n’a pas entièrement convaincu les amateurs de viande. De leur côté, plusieurs associations végétariennes ont souligné l’intérêt écologique et le fait qu’on n’abattrait plus d’animaux par ce procédé. Mark Post lui même estime qu’il faut réduire la consommation mondiale de viande. Même artificielle.
S’il coûtait en effet près de 250 000€ lors des premiers essais, le professeur Mark Post estime désormais pouvoir commercialiser un burger aux alentours de 11$. Ce faible coût, ainsi que l’amélioration des techniques de fabrication, permet au scientifique d’estimer que la viande artificielle commencera à remplacer la viande naturelle dans les cinq prochaines années. Conscient qu’un problème majeur subsiste avant d’en arriver là, le professeur estime qu’il faudra également travailler sur « l’acceptation des consommateurs » de changer leurs habitudes alimentaires pour consommer du « steak éprouvette ». D’autant que l’OMS a annoncé ce lundi que la viande rouge était cancérogène. Mauvais timing ?
Il faudra également passer l’épreuve législative, alors que le Parlement européen rejettera probablement une nouvelle fois les aliments issus du clonage ce mercredi. Les discussions autour des Novel Food devraient d’ailleurs nous en dire un peu plus sur ce que nous aurons dans nos assiettes ces prochaines années. OGM, insectes, nano-aliments, viande artificielle voire aliments en 3D, à quoi ressemblera un repas-type dans le futur ?
Pour aller plus loin
- Dossier « La viande in vitro, une solution alimentaire ? » sur le site d’Arte.
- Site du « In Vitro Meat Consortium«
- Meat the future, vidéo de la BBC (en anglais)