On le sait, l’industrie du sexe est à la pointe de la technologies. Entre sexe en réalité virtuelle, robots sexuels ou sex toys connectés, l’univers du sexe change rapidement. Et nous pourrions bientôt pouvoir coucher virtuellement avec notre star préférée. Avec toutes les questions éthiques que ça implique.
La scène a eu lieu la semaine dernière sur le plateau du Saturday Night Live au États-Unis. Le chanteur Father John Misty fait le show et dévoile sa nouvelle chanson. Celle-ci débute comme suit « coucher toutes les nuits avec Taylor Swift à travers l’Occulus Rift, après que monsieur et madame aient fini leur dîner » (traduction par nos soins, ne nous remerciez pas). Chanson pop et blague de mauvais goût sans conséquences, direz-vous. Eh bien non, car la chanson soulève une question (et le débat est déjà entamé aux États-Unis) : pourra-t-on à l’avenir coucher avec sa star préférée à travers les outils de réalité virtuelle ou grâce à des robots à leur effigie ?
Pour Father John Misty, nous en prenons clairement le chemin, même s’il le déplore : « si vous pensez que la réalité virtuelle ne va pas finir par aboutir à une forme de sexe avec des célébrités, alors vous vous mettez le doigt dans l’œil. Tous les systèmes de reconnaissance faciale, tout ça, il y a des gens qui travaillent à ça en ce moment. C’est absurde. Donc dans l’album je pose la question : “Est-ce cela le progrès ? Est-ce que nous voulons vraiment que le progrès ressemble à ça ?” ». Spoiler alert : oui. Ne nous leurrons pas, en dehors du caractère extrêmement glauque que cela impliquerait, il y a fort à parier que pas mal de monde serait intéressé par coucher virtuellement avec Taylor Swift.
Poupées Scarlett et sextape de Kardashian
Ou Scarlett Johansson. D’ailleurs, un ingénieur Hong-kongais, Rick Ma, a déjà tenté de réaliser des poupées robotiques à l’effigie de l’actrice. Et devinez quoi ? Les premières questions posées furent : peut-on coucher avec ? Les poupées sexuelles deviennent de plus en plus réalistes, et les compagnies comme RealDoll indiquent être capables de créer « des poupées uniques, selon tous [vos] désirs », comme dans les séries WestWorld ou Real Humans. Nul doute que parmi les “désirs” des clients, il doit y avoir la volonté de ressembler à telle ou telle célébrité.
De même, les casques de réalité virtuelle deviennent de plus en plus performants. Évidemment, l’industrie du porno est là encore en avance. Il faut dire que l’intérêt est énorme. Google avait dévoilé récemment l’explosion de +10 000% des recherches autour du “VR Porn” et le premier salon « porno et réalité virtuelle », en 2016, a dû fermer en raison d’un trop forte affluence. Et là encore, il va sans dire que les services proposés sont sur mesure pour les consommateurs. Ainsi il est désormais de vivre en réalité virtuelle la sextape de Kim Kardashian par exemple. Et si vous doutiez du fait que cela intéresse le public, il s’agit déjà de la vidéo la plus téléchargée de l’histoire du porno.
Et c’est là le cœur du problème : quel recours peuvent avoir Scarlett Johansson, Kim Kardashian ou autre si une poupée sexuelle a leur effigie venait à être mise en vente ou si la possibilité de coucher virtuellement avec elle venait à voir le jour ? Dans le cas de la poupée Scarlett, Ryan Calo, professeur de droit à l’Université de Washington et spécialiste du droit à l’image, estime dans les colonnes de Wired, que si le constructeur « avait retiré un gain commercial de quelque manière que ce soit, ou bénéficié d’une certaine notoriété grâce à cela, Scarlett Johansson aurait certainement pu le poursuivre », ajoutant qu’un cas similaire avait même eu lieu dans les années 1990 ! La victime avait alors eu gain de cause, mais il s’agissait d’un cas alors isolé. Et dans l’absolu, il n’existe pas de réelle illégalité à construire un robot à l’effigie de qui que ce soit. Le problème risque donc devenir bien réel. Car pour Calo « il ne fait aucun doute qu’avec la démocratisation de la technologie robotique, nous allons voir une augmentation des tentatives de fabriquer sa propre Kim Kardashian, par exemple ».
Concernant cette dernière, elle avait obtenu gain de cause lorsqu’elle avait attaqué les diffuseurs de sa sextape (on t’entend, toi qui estimes qu’elle a du culot, elle qui n’est pourtant connue que pour ça) mais elle n’a pour l’heure toujours pas réagi au programme de réalité virtuelle la concernant. On peut bien sûr souligner que même avant que la robotique ou la réalité virtuelle ne soient aussi développées, les stars ont toujours été fantasmées et qu’il y a eu avant cela des générations de pages de magazines collées. On peut également insister sur le fait qu’il existe quelques flous juridiques autour de ces questions, en dehors évidemment de l’atteinte au droit à l’image. Mais il serait tout de même sage de légiférer avant que des armées de robots Scarlett ou de programmes de nuits torrides avec le tout Hollywood ne débarquent en masse. Ou au moins de s’interroger sur ce que signifierait une “démocratisation” de tels produits.
Pour ceux, et celles, qui trouvent quand même ça cool de s’acheter une poupée Scarlett, vous pouvez regarder avant la vidéo de leur conception, digne de l’excellente série WestWorld :
Et à celles, et ceux, qui ne verraient dans les poupées sexuelles qu’un nouvel avatar de la dégradation de l’image des femmes : oui, vous avez raison. “L’objetisation” de la femme est ici carrément devenue littérale. Ainsi, nous pourrions tranquillement nous acheter une Scarlett ou une Kardashian. Le progrès, on vous dit ! Bon, sachez toutefois que des versions mâles de poupées sexuelles existent. Mais pour l’instant, rien ne dit qu’elles peuvent être déclinées en version Brad Pitt ou Ryan Gosling.
Repéré sur le site Inverse (d’où provient le superbe photomontage en Une de cet article)